Analyse Philosophique 3 : Le travail, vecteur de domination sociale ou moyen d'émancipation ?
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23052011
Analyse Philosophique 3 : Le travail, vecteur de domination sociale ou moyen d'émancipation ?
Depuis la nuit des temps, l'Homme travaille et encourage ses semblables à travailler. A l'origine, c'était une nécessité pour la survie de l'espèce humaine ; puis, quand cette nécessité s'éloigna du fait de l'amélioration du niveau de vie via la construction de sociétés structurées, le travail muta en une sorte de devoir que chaque homme devait observer afin de mériter sa place au sein de la société. Plus recemment dans l'Histoire humaine, avec l'émergence d'un capitalisme industriel et du paupérisme, une autre lecture de la fonction du travail apparut : celle d'un travail qui aliène l'individu, le réduise à une machine, tout en lui ôtant ses facultés de réflexion autonome, ceci dans un but de domination d'une classe sociale sur une autre. C'est ce qu'on appelle la lecture marxiste du travail et de sa fonction au sein de la société. Dès lors, et c'est l'objet de cette réflexion philosophique à laquelle je vous invite tous, mes lecteurs, quel est le rôle du travail dans la vie humaine ? Est-ce un simple devoir du citoyen à l'égard de la communauté qui le nourrit et l'éduque tel qu'on peut le croire ? Ou, comme le marxisme l'a prétendu, il n'est que le reflet des rapports de domination entre les classes sociales qui constituent le corps social ? Mais le travail ne pourrait-il pas avoir un autre rôle que celui, purement passif, nécessaire et bassement matériel, que l'on a l'habitude de lui donner ?
Examinons donc cette question en étudiant tout d'abord le fondement de ces deux visions "classiques" du travail, telles qu'elles viennent d'être énoncées dans le paragraphe précédent, à savoir d'une part la vision sociale du travail, comme nécessaire fondement de toute société organisée, et d'autre part la vision marxiste du travail, voyant le travail non pas seulement comme un devoir légitime de tout homme vis-a-vis de la société, mais aussi et surtout comme l'expression des rapports de force des classes sociales, et notamment de l'idée de la lutte des classes. Quelle est donc la véracité de ces deux théories du travail ? C'est ce que nous allons voir à présent, avant de conclure en proposant une autre vision du travail, celle qui fut défendue par les philosophes des Lumières, afin de vous donner tous les élements du débat pour poursuivre le débat initié sur cet article par la suite, dans les commentaires.
Commencons donc par la première vision du travail, celle qui consiste au fond à penser que le travail est un devoir vis-a-vis du reste de la société ; devoir qui, une fois accompli par les individus, permet de créer des relations apaisées entre les individus, basées sur l'échange reciproque : ainsi, en échange de mon travail, la collectivité me donne les moyens de subvenir à mes besoins, par la sécurité octroyée par l'Etat par exemple, ou encore la nourriture et le logement. Cette conception traditionnelle du travail est en quelque sorte celle qui est la plus répandue et la plus ancienne, du fait de son caractère relativement consensuel etant donné qu'elle apporte à chacun des avantages ; c'est également une des bases du Contrat Social qui structure nos sociétés modernes, depuis la Révolution Française environ.
Mais une autre vision, beaucoup moins consensuelle et beaucoup plus belliciste, si je peux dire, existe depuis la deuxième moitié du 19ème siècle : c'est celle des anarchistes, des marxistes, des socialistes, bref de tous ces mouvements de gauche nés à cette époque. Les défenseurs de la doctrine marxiste voient en effet le travail avant tout comme une arme de domination d'une classe sociale sur une autre, et pas du tout comme un échange équilibré comme le voit la vision traditionnelle du rôle du travail dans la société. C'est une idée qui se tient dans beaucoup de cas pour justifier les excès dans le monde du travail, surtout au 19ème siècle, mais c'est une vision qui peut se défendre encore aujourd'hui, dans la mesure où l'utopie de l'échange réciproque entre patrons et employés, entre Etat et citoyens, ne s'est, pour ainsi dire jamais réalisée : si c'était le cas, il n'y aurait aucune inégalité sociale dans la mesure où chacun vivrait bien avec le travail d'autrui. Néanmoins, lorsqu'on la généralise, cette idée du travail vu comme un simple moyen de domination des individus sur les autres se caricature elle même, voyant le mal partout alors que, fort heureusement ce n'est pas le cas. La vision marxiste reste donc crédible, mais ne doit pas être généralisée, sous peine de tomber dans le pur dogmatisme.
Nous avons donc vu au cours de cette analyse les deux visions classiques du rôle du travail dans la société, l'une voyant le travail comme un moyen de créer des relations sociales apaisées entre les membres du corps social, à travers la notion d'échange, et l'autre voyant le travail comme un instrument de domination, et donc d'aliénation, de certaines classes sociales sur d'autres. Mais s'il est un reproche que l'on peut faire à ces deux opinions, c'est qu'elles comportent le risque de généraliser et de réduire à l'état de dogme une certaine conception du rôle du travail, du fait précisement de leur nature collectiviste, sociétale. En effet, que devient l'individu, premier concerné lorsque l'on parle de travail, si l'on ne parle de lui qu'en masse d'individus, dévouée à la communauté ou aliénée par le patronnat ? Il n'existe plus ; d'où la nécessité de développer une troisième vision du travail, celle du travail émancipateur, qui enrichit et libère l'individu des contraintes sociales, dûes à sa place initiale dans la société pas toujours très élevée, et le libère de l'ignorance, et donc de la domination par extension, dans la mesure où, très souvent, qui dit ignorance dit également domination et soumission à une autorité prétendue légitime. Cette vision que j'expose là, c'est-à-dire celle d'un travail vu comme libérateur, considéré comme un instrument d'amélioration sociale et personnelle de l'individu, ainsi que de la société dans son ensemble, c'est celle de la philosophie des Lumières, qui désirait libérer l'Homme de l'obscurantisme des siècles précédent grâce à la Connaissance, aux "Lumières" : c'est celle que l'on retrouve dans les livres de Voltaire et Rousseau, de Montesquieu et de Diderot. Bref, c'est une vision que l'on oublie souvent dans le monde froid et technocratique d'aujourd'hui, et qu'il me paraissait important de mentionner, afin de vous aider à vous faire votre propre opinion sur ce débat vieux comme le monde.
Nous voici donc arrivés au terme de cette Analyse Philosophique : bien que selon moi aucune de ces conceptions du travail n'est totalement vraie ou fausse (je considère en effet que les visions sociales, marxistes et individualistes du travail sont toutes les trois vraies du fait de la complexité des sociétés humaines), quelle est votre opinion sur le sujet ? Pensez-vous que le travail n'est qu'un moyen d'échange pour vivre en société, ou bien qu'au contraire il n'est qu'une illusion que les élites donnent au peuple pour l'empêcher de penser par lui même, en l'écrasant sous d'immenses charges de travail ? Etes-vous, au contraire, plus dans l'optique individualiste qui veut que tout homme peut et doit s'émanciper et apprendre par le travail ? Le débat est vôtre désormais, je vous ai donné tous les élements pour pouvoir discuter de manière constructive de cette question.
Invité- Invité
Analyse Philosophique 3 : Le travail, vecteur de domination sociale ou moyen d'émancipation ? :: Commentaires
Re: Analyse Philosophique 3 : Le travail, vecteur de domination sociale ou moyen d'émancipation ?
Tyranocif Rex a écrit:'celle d'un travail qui aliène l'individu, le réduise à une machine, tout en lui ôtant ses facultés de réflexion autonome'
Le collège et le lycée ont aussi l'espoir de faire de nous des machines !
C'est effectivement un point de vue qui se tient totalement etant donné que l'Ecole telle que nous la connaissons en France s'attache plus à faire des têtes bien pleines (donc pleines de connaissances) plutôt que bien faites (ce qui serait là une véritable éducation).
Pourtant l'école ne devrait pas être purement académique mais aussi et avant tout être citoyenne, en "formant" réellement les futurs citoyens à vivre en société et non pas en pratiquant stupidement du bourrage de crâne. Mais bon, c'est un autre débat que celui du travail strict au sens où je l'entends ici, c'est-à-dire dans la vie professionnelle
Pourtant l'école ne devrait pas être purement académique mais aussi et avant tout être citoyenne, en "formant" réellement les futurs citoyens à vivre en société et non pas en pratiquant stupidement du bourrage de crâne. Mais bon, c'est un autre débat que celui du travail strict au sens où je l'entends ici, c'est-à-dire dans la vie professionnelle
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